Ma bulle

Belle réunion de famille ! Tous attablés, contents de partager le repas familiale. Et çà y va à coup de rires, de discussions, d'histoires. Les retrouvailles sont toujours émouvantes. Un frère que l'on n'a pas vu depuis des lustres, que l'on sert dans ses bras en lui disant "Tu sais frangin, tu m'as manqué"!. Une soeur qui, tout à coup, renait de ses cendres, qui reprend goût à la vie après un vécu terrible...! Tableau d'une famille qui ressemble à tant d'autres. Et j'étais là et je les écoutais et je participais et j'arrivais même à sourire...Parfois ! Un semblant, un rictus qui m'arrachait le coin de la lèvre, qui m'écorchait...J'étais là, à un endroit où quelques part, je ne voulais pas être. Ce n'était pas le jour, ce n'était pas l'heure, ce n'était pas le moment, ce n'était pas  l'envie, non plus...! J'étais là, assise à cette table partageant le repas méticuleusement préparé. "Oui Maman, c'est bon !" que je m'entends répondre en forçant mes lèvres à sourire alors que je me retiens de pleurer. O Maman...Ma petite Maman si tu savais ! Si tu savais que ce repas préparé, avec tout ton Amour, n'ai même pas parvenu à me réconforter...Mais je ne te le dirai pas Maman. Non...je ne te le dirai pas. Je n'aurais pas voulu éteindre les étincelles de tes yeux. Tes yeux qui pétillent chaque fois que tu vois tes enfants autour de la table, réunis. Je sais que ces moments sont les tiens et que tu es heureuse ! Je ne te dirai pas non plus, que chaque bouchée portée à mes lèvres furent une souffrance, que chaque déglutition me donnait la nausée, que je gardais en bouche, jusqu'à liquéfaction, chaque aliment que mon estomac refusait ! Non Maman, tu ne saura pas, tu n'en saura rien ! Tu ne saura pas non plus pourquoi je quittais la table aussi souvent, pourquoi je m'afferais tant à la cuisine. J'ai fait Maman..j'ai fait semblant. Pas avec toi ni avec les autres, j'ai fait semblant avec moi Maman...Je voulais être dans ma bulle tout simplement ! Et je t'entends crier "ENCORE !" lorsque j'essaye de m'échapper en attrapant mon paquet de poison pour aller fumer (fuir ?). Oui Maman, même la cigarette n'était qu'un prétexte. Vois-tu ! Comprends-tu ! Ma bulle m'attendait et je n'avais qu'une hâte, c'était de la retrouver. Et j'ai couru pour la rejoindre. J'ai aimé descendre en trombe l'escalier qui mène au jardin. J'ai aimé tiré la porte en bois qui me séparait d'elle...Comme une amoureuse éperdument éprise, j'ai couru vers elle, les bras tendus. Et elle était là ! Elle est toujours là tu sais ? J'avais un prétexte en bouche, j'ai fermé les yeux, j'ai levé mon visage vers les rayons du soleil qui s'offraient en cet après midi hivernal, étonnament doux. Puis, avec toute la douceur que je lui connais, elle s'est approchée, elle m'a enveloppée, elle m'a recueillit ! Si tu savais Maman comme c'était bon, si tu savais comme c'était doux. Si tu savais comme j'en avais besoin. Enfin, là, j'existe. Enfin, là, je suis...Enfin, là, je retrouve une liberté Maman...la liberté d'être moi-même. Je t'Aime...